
Le pacte Dutreil qui fête ses 20 ans cette année permet aux associés et aux actionnaires de bénéficier d’une exonération partielle non plafonnée à concurrence de 75% de la valeur des titres transmis pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (droits de donation / succession), aboutissant à un taux effectif d’imposition de l’ordre de 3 à 6% en moyenne. L'application de ce régime suppose le respect de trois conditions :
Une opération de LBO semble en apparence peu compatible avec une transmission de titres dans le cadre d’un Pacte Dutreil qui repose sur une stabilité de l’actionnariat sur une longue durée. Cette difficulté à combiner les deux dispositifs se rencontre aussi bien lorsque la transmission est réalisée préalablement à l’opération de LBO ou à l’inverse est réalisée pendant la durée de vie du LBO. Les textes et la doctrine administrative facilitent néanmoins la réalisation de certaines opérations alors que la pratique a développé certains schémas alternatifs permettant de pallier les carences législatives.
La mise en place d’un Pacte Dutreil interdit en principe toute cession portant sur les titres pendant un délai de six ans. Une telle interdiction semble logique compte tenu de l’esprit du dispositif qui vise à assurer une stabilité des actionnaires. La réalisation d’une opération de LBO classique consistant notamment à racheter les titres de certains actionnaires (qu’ils soient ou non soumis aux engagements pris dans le cadre d’un Pacte Dutreil) est donc exclue.
Des assouplissements ont néanmoins été apportés au régime afin de permettre de réaliser un apport des titres soumis à un engagement de conservation sans crainte d’une remise en cause du bénéfice du régime fiscal de faveur.
En effet, l’article 787 B du Code Général des Impôts permet de réaliser un apport de tout ou partie des titres soumis à un engagement à une holding de reprise (« NewCo ») dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
Transmettre les titres dans le cadre d’un Pacte Dutreil Transmission ne fait donc pas obstacle à l’entrée d’un investisseur financier pendant la période de conservation pourvu que celui-ci soit minoritaire. Il est toutefois recommandé de transmettre rapidement afin de faire courir les engagements et accessoirement de sécuriser la transmission de l’entreprise sur la base d’une valorisation à priori plus faible.
La mise en place d’un Pacte Dutreil semble incompatible avec une opération de LBO en raison des contraintes liées à la durée de détention.
En effet, à supposer que le Pacte Dutreil porte sur les titres de la holding d’acquisition (ayant la qualité de holding pure ou animatrice), toute cession de titres dans un délai de 6 ans entraînerait une remise en cause du Pacte. Or, les actionnaires se trouvent généralement contraints de céder leurs titres dans un horizon de liquidité de 3-6 ans aux termes des accords conclus avec l’investisseur financier.
Plusieurs exceptions sont prévues dans la législation afin de mener ce type d’opération. On présentera ici les plus utilisées ainsi que les contraintes de chacune d’entre elles.
La loi de finances pour 2024 a clarifié ce point en précisant qu’une holding animatrice doit s’entendre comme une société « ayant pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de leur groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elles rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ». La mise en œuvre d’un tel schéma suppose ainsi de sécuriser le caractère animateur de la holding familiale et de veiller à ce que cette holding familiale contrôle exclusivement le groupe. A défaut, il pourrait être envisagé de démontrer l’existence d’un contrôle conjoint étant précisé que l’administration fiscale se montre réticente à admettre un tel contrôle.
Cette solution permettrait alors en pratique à la holding familiale de céder les titres qu’elle détient sans risque de remise en cause du Pacte Dutreil. Elle supposerait néanmoins d’être en mesure de démontrer que la holding familiale peut être considérée comme une holding animatrice (excluant ainsi toute transmission immédiatement après l’apport afin de démontrer son caractère animateur dans la durée) et qu’elle soit en mesure de réinvestir le produit de cession des titres dans d’autres sociétés qui seront animées (sauf à ce que cette cession intervienne après la durée des engagements).