
Deux grandes familles d'outils sont ainsi disponibles aux managers.
D'une part, les outils payants, qui requièrent un investissement financier de la part du manager et lui permettent de participer à la création de valeur tout en supportant un risque et, d'autre part, les outils gratuits, caractéristiques d'un actionnariat salarié plus classique, qui permettent aux managers de participer à la création de valeur sans toutefois être exposés à un risque de perte capitalistique.
Ces outils présentent l’avantage d’être strictement encadrés par la loi et ne présentent pas de risque de contestation de la part de l’administration fiscale ou de l’URSSAF si les conditions prévues par la loi sont respectées.
En effet, les exigences présentes en matière d’instruments payants, à savoir que les managers prennent un véritable risque actionnarial et que les titres qu’ils souscrivent le soient à un prix de marché, ne se retrouvent pas en matière d’instruments gratuits (cf. tableau comparatif des outils payants et gratuits).
Toutefois, en raison d'un régime juridique et fiscal n'étant pas toujours adapté aux contraintes des opérations de LBO, les outils gratuits présentent certaines problématiques visant :
Les actions gratuites étaient à l’origine essentiellement octroyées à des managers du cercle 2 (responsables opérationnels) ou du cercle 3 (cadres). Ces derniers ne souscrivaient pas au management package mais se voyaient néanmoins offrir un avantage par le biais des actions gratuites.
La pratique a évolué depuis 2015 suite à la refonte du régime juridique et fiscal des actions gratuites. Cet instrument est de plus en plus utilisé comme un instrument ratchet permettant aux managers du cercle 1 (top management, à savoir les dirigeants les plus importants) de se reluer en fonction des performances de l’investissement réalisées par le sponsor.
L’intérêt est double : les actions gratuites bénéficient d'un régime sécurisé aussi bien sur le plan fiscal que social et permettent également au manager de bénéficier d’un complément de plus-value sans apport complémentaire.
Le manager peut ainsi recevoir des actions gratuites «ordinaires» ou de préférence. Les règles juridiques etfiscales ne posent en effet aucune condition quant à la nature de l’action attribuée. Il peut ainsi être octroyé des actions gratuites de préférence positives (donnant plus de droit qu’une action ordinaire- ci-après «AO») ou plus souvent négatives (les actions de préférence ne donnent dans ce cas que des droits très limités par rapport aux AO et c’est seulement dans l’hypothèse de leur conversion à terme en AO que les actions offriront des droits de vote et droits financiers).
Il conviendra néanmoins d’être vigilant et de ne pas transformer cet octroi en une option consentie à titre gratuit. Ainsi, les actions de préférence ne doivent pas être privées de tout droit ex nihilo et doivent ainsi être assortis d'au moins un droit de vote dans une certaine mesure.
A noter par ailleurs que ces actions doivent présenter un aléa ce qui exclu un gain garanti.
Les difficultés rencontrées au moment de l’octroi d’actions gratuites à des managers sont de plusieurs ordres:
S'agissant du manager, il est dans son intérêt que la durée et le gain d’acquisition soient les plus courtes possible dans la mesure où ce gain (plus particulièrement lorsqu’il excède 300 000€) est imposé de manière plus importante qu’une plus-value de cession.
S'agissant de la société émettrice, elle devra acquitter une contribution patronale plus importante dans l'hypothèse où, à l'issue d'une période d'acquisition importante, la société émettrice aurait gagné en valeur, augmentant ainsi la valeur des actions gratuites à la date d'acquisition définitive ;
▶ Enfin, la société doit disposer de réserves suffisantes pour pouvoir imputer la valeur nominale des actions gratuites émises, ou alors détenir en propre les actions gratuites à attribuer. Il s’agit d’une situation qui peut être problématique pour la holding de reprise dans la mesure où elle ne possède en pratique aucune réserve à la date d’attribution des actions gratuites.
▶ De surcroît, les actions gratuites ne pouvant être octroyées à des ManCo, ce type de schéma impliquant un panachage entre des instruments payants et des actions gratuites ne peut être envisagé que pour des LBO impliquant un nombre limité de managers sous peine de se retrouver avec un grand nombre d’actionnaires au sein de la holding. En effet, il n’est pas possible en principe pour une ManCo regroupant des managers de se voir octroyer des actions gratuites ou encore prévoir que les actions devront être apportées à une ManCo à l’issue de la période d’acquisition (cet apport déclenchant l’imposition au niveau du bénéficiaire sauf dans certains cas très limités)
En termes de fiscalité, les BSPCE apparaissent comme le meilleur instrument aussi bien pour le bénéficiaire (imposition de la plus-value à la flat tax lorsque le salarié travaille au sein de la société depuis au moins trois ans au moment de la cession, alors que le gain d’acquisition pour les actions gratuites peut être taxé à un taux marginal de l’ordre de 63% si le gain excède 300 000€) que pour la société (absence de contribution patronale pour les BSPCE).
En plus d’un régime fiscal très favorable, les BSPCE présentent une remarquable flexibilité en permettant de fixer de manière contractuelle les conditions d’exercice (ex. conditions de performance de la société, condition de présence du bénéficiaire dans la société, etc.).
Néanmoins, en pratique, la mise en place d’un plan de BSPCE dans une opération de LBO (que ce soit à titre d’octroi sec ou en complément d’instruments payants) peut s'avérer parfois impossible en raison des conditions devant être remplies par la société émettrice venant de facto réduire de manière significative le périmètre des sociétés éligibles.
▶ La société émettrice doit, tout d'abord, être détenue à plus de 25% par des personnes physiques ou par une société détenue directement à plus de 75%[2]par des personnes physiques : l’interposition de deux structures, comme la holding d’acquisition et une holding personnelle (ManCo) entre l'entité émettrice et l'actionnaire personne physique, rend ainsi impossible un tel octroi.
▶ Le régime est par ailleurs réservé aux sociétés immatriculées au RCS depuis moins de 15 ans, venant ainsi réduire le nombre des sociétés sous LBO éligibles.
Le régime fiscal et social des stock-options, bien que sécurisé car parfaitement encadré juridiquement, est peu attractif et ne cesse de se dégrader depuis quelques années. En effet, le gain d'acquisition est aujourd'hui traité comme un salaire soumis à l'impôt sur le revenu au barème progressif sans bénéfice d'abattements particuliers. Tenant compte à la fois du traitement fiscal et social, le gain d'acquisition pourra alors être soumis à un taux marginal de 68,70%
On notera enfin que le régime fiscal de la plus-value de cession de ces instruments est de nature à etre impacté par la disposition introduite par la loi de finances pour 2025 visant à définir un régime fiscal et social des management packages. Les commentaires de l'administration fiscale sur ce nouveau texte sont donc particulièrement attendus
[1] Le Code de Commerce prévoit qu'il ne peut être attribué aux salariés et mandataires sociaux des actions gratuites s'ils détiennent 10% du capital social de la société ou si cette attribution a pour effet de leur attribuer plus de 10% du capital social. En présence d'actions gratuites, l'appréciation de cette condition suppose une certaine vigilance en appréciant ces 10% d'un point de vue économique. Cela suppose alors de déterminer si le bénéficiaire pourrait être amené à détenir plus de 10% du capital en fonction des caractéristiques de l'instrument.
[2] les participations détenues par certaines structures (ex. FIP, FCPR, SLP) ne sont pas prises en compte pour l'appréciation du seuil de 25%.