
La société de gestion perçoit en général une commission annuelle de gestion souvent égale à 2% des engagements. Cette commission a ainsi pour objet de payer les charges de la structure et en particulier les rémunérations versées à ces membres.
L’équipe en charge de la gestion des fonds d’investissement est également souvent titulaire de droits dits « de carried interest » leur permettant d’appréhender une partie de la plus-value et des revenus générés par le fonds sous réserve de certaines conditions de performance. Ces droits se matérialisent par des parts ou actions spécifiques (parts « B » pour des FCPR/ FPCI, actions d’une catégorie spécifique pour une SCR)
Ces parts ouvrent habituellement droit à une part de la plus-value générée par le fonds (en règle générale 20% après rémunération à un taux minimum des investisseurs) moyennant un investissement initial moindre que celui des investisseurs tiers.
Il s’agit en fait d’un management package bénéficiant aux équipes salariées ou dirigeantes des fonds d’investissement. On peut trouver de nombreuses similitudes entre le mécanisme du carried interest et les management packages puisque tous deux reposent sur un alignement des intérêts des managers (de la cible ou de la société degestion du fonds) avec les investisseurs tiers / LPs (ou le sponsor).
A l’image des débats existants en matière d’instruments octroyés aux salariés dans le cadre d’un LBO, le régime fiscal et social du gain tiré de ces droits a fait l’objet de nombreuses discussions puisque ces droits étaient attribués en contrepartie de l’activité déployée par leurs titulaires dans la cadre de la gestion des investissement sdu fonds.
L’administration fiscale a cependant défini dans une instruction fiscale en date du 28 mars 2002 un régime fiscal ad-hoc conduisant à traiter certaines distributions de plus-values et gains nets de cession de « carried interest » comme des plus-values de cession de valeurs mobilières imposés au prélèvement forfaitaire unique de 30% [1] et non comme des rémunérations [2].
Ce régime ad-hoc a ensuite été légalisé (et sur certains points durci) par le biais d’un amendement du sénateur Jean Arthuis en 2008 et demeure toujours applicable à ce jour [3].
Ce régime de faveur (régime dit«Arthuis») nécessite néanmoins la réunion d’un certain nombre de conditions strictes s’agissant des parts et des bénéficiaires.
▶ les parts doivent être émises par un FCPR / FPCI, une SCR ou une entité européenne ayant pour objet principal d’investir entitres en capital ou donnant accès au capital dans des sociétés non cotées dans le but de faire bénéficier leurs porteurs de parts ou actionnaires des résultats de la gestion de ces investissements dans des conditions similaires à celles prévues pour les FCPR ou les SCR (comme par exemple un limited partnership anglais ou une société anonyme [4]).
▶ les parts représentent une seule catégorie unique et spécifique de parts ou d’actions : l’ensemble des gérants du fonds sont placés sur le même plan. Il n’est ainsi pas possible de prévoir des conditions différentes (comme par exemple un prix d’achat des parts ou un hurdle[5] différencié). Il n’est donc pas possible de structurer le carried interest sous forme de paramètres individuels sauf à intégrer ces paramètres dans le vesting des droits. Il est ainsi seulement exigé un prix unique de souscription ainsi que des droits identiques pour chacun des membres de l’équipe de gestion détenteur de ces parts ou ces actions. En revanche, le nombre de parts ou actions peut varier d’un membre à un autre, notamment selon ses capacités financières.
▶ les parts ne peuvent pas être acquises ou souscrites gratuitement :
En outre,les parts du carried interest doivent représenter
▶ les parts ou actions doivent représenter un investissement de long terme (5 ans au moins). Il ne peut donc être procédé à une distribution effective avant un délai de 5 ans décompté à partir de la date de constitution du fonds (pour les FCPR/ FPCI) ou de la date d’émission des parts pour les autres entités. En outre,une telle distribution ne peut intervenir avant le remboursement des autres porteurs de parts pour les FCPR, FPCI et SLP.
▶ le bénéficiaire doit être membre de l’équipe de gestion (salarié ou dirigeant assimilé fiscalement à un salarié) d’un SCR, d’un FPCI/ FCPR, d’une entité européenne équivalente[6] ou d’une société[7]rendant des prestations de services liées à la gestion de ces structures [8] au moment de la souscription ou de l’acquisition des parts ;
▶ le bénéficiaire doit détenir ses parts directement ou indirectement (via une société civile ce qui peut présenter des opportunités dans une logique de transmission du patrimoine);
▶ le bénéficiaire doit recevoir une rémunération normale au titre de son contrat de travail ou de son mandat social, c’est-à-dire conformément aux usages de la profession ;
On peut noter qu’il n’est pas interdit de détenir simultanément d’autres parts du même fonds même si ces parts bénéficient du régime fiscal de faveur (exonération des plus-values ou réduction d’impôt au titre de la souscription). Les membres de l'équipe de gestion pourront ainsi bénéficier du régime de faveur des FCP au titre de leur co-investissement (article 163 quinquies B du CGI).
Ces conditions - à l'exception de celles concernant l'absence de versement pendant 5 ans - doivent être réunies par l'ensemble des porteurs de parts de carried interest (comme par exemple des non-résidents ou des personnes morales).
Comme précisé ci-dessus, le régime du carried interest conduit à imposer sous le régime des plus-values les distributions du fonds prélevés sur des plus-values de cession de titres réalisés par cette structure ainsi qu’aux gains de cession ou de rachat des actions de «carried interest».
Dans le cas où le fonds distribue des dividendes ou des intérêts qui l’a lui même reçu, ces produits seront soumises à leur régime d’imposition qui leur est propre. Depuis le 1er janvier 2018, les dividendes, intérêts et plus-values sont soumis au même régime d’imposition. L’introduction de la flat tax a ainsi permis aux gérants de fonds de dette (dont la rémunération provient essentiellement d’intérêts) de bénéficier à plein du régime «Arthuis» au même titre que les fonds de capital-investissement.
En revanche, dans l’hypothèse où les conditions précitées ne sont pas remplies, les gains et produits seront imposés comme une rémunération imposable à l’impôt sur le revenu au taux progressif ainsi qu’à une contribution sociale spécifique de 30%[9] devant être acquittée par le bénéficiaire. Cette contribution vient se substituer aux cotisations sociales de droit commun.
L’article L 214-162-8 du code monétaire et financier prévoit expressément la possibilité pour un SLP d’émettre des parts donnant lieu à des droits différents sur tout ou partie de l'actif de la société ou de ses produits.
Au plan fiscal, l’article 150 0-A du CGI ne vise pas expressément les SLP comme une structure éligible au régime fiscal de faveur applicable aux parts de carried interest. La doctrine administrative n’envisage pas également ce cas.
On peut néanmoins noter que l’article 1655 sexies A du CGI prévoit expressément que les SLP sont assimilés à des FPCI constitués sous la forme de fonds commun de placement pour l’imposition de ses bénéfices et de leurs associés. Or, à la différence des FPCI, les SLP ne sont pas soumis à un quota d’investissement particulier (sauf ceux souhaitant faire bénéficier leurs porteurs d’un régime fiscal de faveur).Ainsi, les porteurs de parts de carried d’une telle structure serait en mesure de se prévaloir du régime fiscal de faveur du carried interest sans nécessairement que le SLP respecte le quota juridique de 50% applicable aux FCPR/ FPCI et SCR.
Une telle possibilité ouvre une véritable opportunité à de tels structures. Leur politique d’investissement plus souple (qui ne sera pas réduit à l’investissement dans des titres non cotées) ne ferait pas a priori obstacle au bénéfice par leur équipe de gestion du régime fiscal de faveur applicable aux porteurs de parts de « carried interest ». Ceci devrait notamment intéresser les fonds d’infrastructure ou les fonds immobiliers. Une telle position mériterait d’être confirmée par l’administration fiscale.
[1] La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus peut également s'appliquer.
[2] Ces parts ne peuvent pas bénéficier en revanche du régime fiscal de faveur permettant de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu concernant les produits et les plus-values (article 163 quinquies C du CGI) ou bénéficierd’une réduction d’impôt. Elles ne peuvent pas figurer par ailleurs sur un PEA.
[3] On peut noter que le projet de loi de finances pour 2013 avait prévu d’assimiler le carried interest à un salaire. Face à la contestation (l’imposition globale du gain, et ce inclus les charges sociales pouvant atteindre 95%), il a finalement été décidé de maintenir le régime applicable qualifiant ce gain de plus-value.
[4] Une simple holding pure ou animatrice ne serait pas éligible dès lors qu'elle n'a pas de politique d'investissement similaire à celle d'un fonds.
[5]Performance minimale à atteindre pour bénéficier du « carried interest ».
[6] Sont ici visées les entités (i) situées dans l’espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale (excluant ainsi la Suisse, les Etats-Unis ou les îles Anglo-normandes) et (ii) ayant pour objet principal d’investir, directement ou indirectement, dans des titres de sociétés non cotées (cette dernière condition impliquerait qu’un fonds de dette en investissant qu'en obligations simples ne remplirait pas cette condition contrairement à un fonds immobilier s’il détient les actifs via une société) et (iii) dans le but de faire bénéficier leurs porteurs de parts ou actionnaires des résultats de la gestion de ces investissements dans des conditions similaires à celles prévues par un fonds (sont ainsi exclus les holdings animatrice d’un groupe ou constituée en vue de l’acquisition d’une entreprise). On peut également s’interroger sur les incidences des parts d’un fonds britannique post-brexit. En principe, ceci ne devrait pas avoir d’incidence dans la mesureoù la condition relative à la localisation de l’entité d’investissement s’apprécie à la constitution (BOI-RPPM- PVBMI-60-10 n°10 et 50).
[7] Cette possibilité vise plus particulièrement les fonds d’investissement étrangers qui peuvent être présents en France via une société de conseil.
[8] Sont par exemple visées les prestations de conseil en investissement. La doctrine administrative exige également que la société reçoive une rémunération normale pour les services rendues. Cette condition est source d’insécurité juridique dans la mesure où l’appréciation du caractère normal de la rémunération (en particulier lorsque les prestations sont rendues par des entités liées) n’est pas chose aisée.
[9] On peut noter que l’administration fiscale considère que la contribution salariale ne constitue pas un prélèvement déductible de l’impôt sur le revenu. Une telle position semble contraire aux dispositions du code général des impôts (article 83) qui prévoit que le montant net imposable s’entend après déduction des cotisations sociales.