
Les frais et commissions liés à l’acquisition et à son financement seront pour partie soumis à la TVA au taux de 20% (notamment les honoraires des conseils). Compte tenu des sommes en jeu,il est important de déterminer si la holding d’acquisition pourrait être autorisée à récupérer cette TVA.
On peut en effet distinguer deux situations :
1. la holding est en mesure de récupérer la TVA grevant les dépenses exposées dans le cadre de l’acquisition, la TVA est alors un simple coût de trésorerie temporaire pour la holding ;
2. la holding n’est pas en mesure de récupérer la TVA grevant les dépenses exposées dans le cadre de l’acquisition, la TVA constitue alors une charge définitive pour la holding.
La qualité d’assujetti de la holding est le critère permettant de déterminer les possibilités de récupération de la TVA.
Cette notion d’assujetti recouvre les personnes exerçant une activité économique. Il convient dès lors de vérifier si la holding exerce une telle activité[1].
Il résulte de la jurisprudence qu’une holding qui a pour seul objet de détenir des participations n’exerce pas une activité économique et n’est donc pas en droit de récupérer la TVA qui lui est facturée.
En revanche, les holdings qui s’immiscent dans la gestion de leurs filiales et réalisent à cette occasion des opérations soumises à TVA[2]exercent une activité économique et peuvent donc récupérer tout ou partie de la TVA supportée, notamment sur les frais d’acquisition de leurs participations.
En conséquence, une holding d’acquisition devrait pouvoir récupérer la TVA supportée, y compris les frais d’acquisition (la TVA sera également récupérable lorsque l'opération d'acquisition a échoué[3]),à condition d’influencer et de participer à la gestion de ses filiales, cette immixtion se traduisant par la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques par la holding à ses filiales.
S’agissant d’une holding animatrice, ces frais vont concourir à la perception (i) des honoraires pour les services rendus, (ii) d’intérêts sur les emprunts consentis aux filiales ou encore (iii) des dividendes versés par les filiales.
En d’autres termes, il est nécessaire de veiller à ce que la holding anime effectivement le groupe, définisse sa politique d’ensemble et participe aux décisions stratégiques (ex. prise ou cession de participations, investissements, recrutements des cadres dirigeants). Dans l’hypothèse d’un contrôle fiscal, il est nécessaire de conserver des documents permettant d’apporter la preuve de la matérialité et de l’effectivité du rôle animateur de la holding (ex. conventions de prestations de services, comptes rendus du Conseil d’administration, etc.)
En pratique, la holding d’acquisition pourrait fournir des services liés[4]:
▶ à la direction générale et financière ;
▶ à la gestion des ressources humaines ;
▶ à la gestion de la trésorerie du groupe ;
▶ à la direction juridique ;
▶ aux services informatiques ;
▶ au marketing ;
▶ aux travaux d’études et d’expertises.
D'une manière générale, l'animation peut résulter de toutes opérations taxables effectuées par la holding au profit de ses filiales comme par exemple la cession d'une marque, d'un brevet ou encore la location avec TVA d'un immeuble.
Il doit s'agir en tout état de cause des services donnant lieu au versement d'une rémunération (CJUE, 12 janvier 2017, aff. 28/16, MVM Magyar Villamos Művek Zrt).
On peut néanmoins noter qu’il existe un risque à ce que l’administration fiscale considère que les services rendus par la holding dans le cadre de la convention signée avec la ou les filiales fassent double emploi avec les fonctions de dirigeant des filiales[5]. Il serait alors soutenu par l’administration fiscale que la holding ne rend pas de services qui se différencient des tâches dévolues au dirigeant social justifiant le versement d’une rémunération conduisant alors à considérer que le contrat est dépourvu de cause.
Afin de pallier à cette difficulté, il est recommandé de limiter les services rendus à des activités de prestations de services ou si cela est possible de désigner la holding comme dirigeant de la filiale et la rémunérer à ce titre. Le débat porterait alors seulement sur le caractère justifié et raisonnable de la rémunération du dirigeant social.
L’activation d’une holding pour récupérer la TVA peut conduire à des abus. Certaines recommandations sont ains ià suivre afin d’éviter tout risque de remise en cause du caractère déductible de la TVA par l’administration fiscale.
Afin de pouvoir fournir ces services, la holding d’acquisition devra disposer des moyens techniques et humains nécessaires sans recourir systématiquement à la sous-traitance pour les raisons suivantes :
▶ en cas de recours trop fréquent à la sous-traitance, la justification du schéma (autre que l’objectif de récupérer la TVA) pourrait être difficile à apporter;
▶ une jurisprudence[6]précise que la refacturation de prestations de services résultant du recours à la sous-traitance ne constitue pas dans certains cas une opération soumise à la TVA. Ainsi, une holding se contentant par exemple de refacturer de manière occasionnelle des services rendus par des tiers n’exercerait pas une activité économique et ne pourrait pas alors récupérer la TVA sur les frais qu’elle a acquittés.
Bien qu’il n’existe pas de délai spécifique à respecter pour la mise en place de ces opérations[7], il est préférable que la holding d’acquisition puisse en justifier au moment de sa demande de remboursement de TVA. En effet, les services fiscaux vont vérifier au cours de l’instruction de la demande de remboursement le sérieux de l’intention, déclarée par l’entreprise, de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction.
En pratique, il conviendra ains ide veiller à ce que la holding d’acquisition ait été activée au moment de la demande de remboursement ce qui nécessitera notamment de transférer le personnel adéquat au sein de cette entité.
La dotation en personnel est néanmoins susceptible de soulever une seconde difficulté en ce que la société holding peut être redevable de la taxe sur les salaires.
La TVA acquittée par un assujetti (comme une holding animatrice) est en principe récupérable si le service ou le bien acquis a lui-même permis de réaliser une opération taxable (ou exonérée mais ouvrant droit à déduction de la TVA comme une opération au profit d’une entreprise étrangère).
Ainsi, la TVA grevant des dépenses se rapportant à des activités hors du champ d’application de la TVA (comme l’activité de perception de dividendes) n’est pas déductible. En revanche, la TVA grevant des dépenses se rapportant à des activités dans le champ d’application de la TVA (comme les prestations de services) sont pleinement déductibles.
Une application de ces principes devrait ainsi conduire à l’impossibilité de récupérer la TVA afférente aux frais d’acquisition puisque l’acquisition des titres conduit seulement a priori à pouvoir recevoir des dividendes.
Toutefois, la Cour de Justice de l’Union Européenne[8]a jugé qu’une telle prise de participation par une holding animatrice réalisant des services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ses filiales s’inscrit « dans une perspective de développement de chiffre d’affaires qui résulte de la fourniture de services (…) soumis à la TVA ». Dès lors, il a été jugé que de tels frais ont la nature de frais généraux de la société car ils entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de la société.
Une fois déterminé si cette TVA peut être déductible, il convient d’analyser pour quel montant. La TVA est en effet déductible à proportion de son coefficient de déduction qui est lui-même composé du produit des trois coefficients suivants: (i) le coefficient d’assujettissement, (ii) le coefficient de taxation et (iii) le coefficient d’admission.
La TVA sera pleinement déductible si le produit des trois coefficients est égal à un.
Le coefficient d’assujettissement
Ce coefficient vise à déterminer le pourcentage d’utilisation des dépenses grevées de TVA pour la réalisation d’opérations imposables (incluant des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA qu’elles soient exonérées ou non) et d’opérations non imposables (incluant les opérations n’entrant pas dans le champ d’application de la TVA).
S’agissant d’une holding, son coefficient d’assujettissement devrait être inférieur à 1 dans la mesure où les dividendes sont hors champ d’application de la TVA. La perception de dividendes par une holding aurait alors pour effet de dégrader ses droits à déduction.
Néanmoins, la cour de Justice de l’Union Européenne[9]a jugé que le droit à déduction d’une holding animatrice ne dépend pas du point de savoir si celle-ci perçoit ou non des dividendes. La perception de dividendes par une holding n’a pas d’incidence sur son coefficient d’assujettissement (qui sera égal à 1) lorsque la holding rend des prestations de services à l’ensemble de ses filiales.
En revanche, selon la Cour, lorsque la holding ne s’immisce pas dans la gestion de la totalité de ses filiales, la TVA ne peut être déduite que partiellement selon une clé de répartition reflétant la part d’affectation réelle des dépenses aux deux activités (l’activité économique au profit des filiales animées et l’activité non-économique).
La doctrine administrative est plus favorable puisqu'elle considère que les dépenses supportées par la holding pour la réalisation de ses opérations en capital sont intégralement déductibles même si celle-ci ne rend pas de services à l'ensemble de ses filiales (BOI-TVA-DED-20-10-20, 9 octobre 2024, n°480 et 490). Cette tolérance ne vise que les assujettis partiels (c'est-à-dire, les assujettis réalisant à la fois des opérations économiques et des opérations non économiques comme par exemple une holding qui s'immisce dans la gestion de l'ensemble de ses filiales mais seulement pour une partie à titre onéreux). En revanche, la position de la Cour est applicable pour les redevables partiels (c'est-à-dire, les assujettis qui réalisent certaines opérations exonérées de TVA comme une holding réalisant des opérations financières à côté de son activité de prestataire de services).
Dans ce dernier cas, les dépenses sont détaxées en fonction du coefficient de taxation forfaitaire.
Le coefficient de taxation
Le coefficient de taxation correspond au pourcentage d’utilisation d’un bien ou d’un service pour la réalisation d’une opération située dans le champ d’application de la TVA ouvrant droit à déduction (excluant ainsi les opérations exonérées).
Ce coefficient est égal au rapport entre :
▶ au numérateur: le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction ;
▶ au dénominateur: le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations imposables (incluant les opérations soumises à la TVA et exonérées).
Dès lors, la perception de recettes exonérées de TVA (comme des intérêts provenant des prêts consentis aux filiales ou des intérêts générés par des obligations convertibles) va être de nature à dégrader le coefficient de taxation de la holding d’acquisition.
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 5 mars 2018[10], a rappelé la solution selon laquelle un prêt rémunéré octroyé à une filiale constitue une activité économique dont les produits sont exonérés de TVA.
En revanche, les intérêts perçus par une holding à raison de la détention d'obligations convertibles en actions rachetées dans le cadre d'une opération de LBO n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA et ne sont donc pas de nature à dégrader le prorata de TVA. En effet, ces intérêts ont été perçus dans le cadre d'une opération patrimoniale réalisée par la holding, à savoir l'acquisition des actions et des obligations convertibles émises par la cible au profit du fonds sortant (CAA Versailles, 19 février 2019, n°18VE00848).
La perception d'intérêts peut donc être de nature, dans certains cas, à limiter le droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la holding d'acquisition. Cela étant, les cessions d’immobilisations exceptionnelles (cession de marques, brevets, titres de participations[11])et les opérations financières et immobilières exonérées de TVA dites «accessoires » sont exclues du dénominateur ce qui signifie qu’elles ne viennent pas dégrader le droit à déduction à la TVA de la société.
Pour être qualifiés d’accessoires, les produits financiers ou immobiliers doivent répondre à deux critères :
▶ Les activités financières ne doivent pas constituer le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable. Cette condition est remplie lorsque ces activités se distinguent de l’activité principale de la société et présentent un lien avec l’activité principale[12].
En présence d’une holding, cette condition semble a priori difficilement remplie puisque l’activité de prêt aux filiales semble liée aux prestations de services qui leur sont rendues. Cela étant, la doctrine administrative considère que cette condition est remplie pour une holding animatrice[13]. L’activité financière des holdings ne devrait donc pas être considérée comme constituant le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de la société.
▶ Les produits financiers exonérés doivent nécessiter une utilisation limitée au maximum à 1/10e des biens et des services grevés de TVA acquis par le redevable.
L’administration fiscale admet que la condition liée à la très faible utilisation de biens et de services grevés de TVA soit réputée satisfaite si le produit des opérations financières exonérées présentant un lien avec l’activité principale de l’entreprise n’excède pas 5% du montant de son chiffre d’affaires total toutes taxes comprises. C’est donc sur ce second critère qu’il convient de se focaliser afin de savoir si les produits financiers peuvent être qualifiés d’accessoires.
On peut enfin noter qu’il est possible de constituer des secteurs distincts sous certaines conditions lorsque les produits financiers ne peuvent être considérés comme étant accessoires. L’intérêt de la constitution de secteurs distincts d’activité consiste à assurer la pleine déductibilité des dépenses affectées à la réalisation d’opérations soumises à la TVA.
Le coefficient d’admission
Le coefficient d’admission vise enfin des mesures d’exclusion ou de restriction du droit à déduction pour certains biens et services.
Exemple :
Une holding détient deux filiales A et B pour lesquelles elle fournit des services administratifs, financiers,commerciaux et techniques.
Le chiffre d’affaires de la holding est décomposé de la manière suivante:
▶ Honoraires versés par les filiales au titre des prestations de services qui leur sont rendues : 100 ;
▶ Dividendes versés par les filiales:10;
▶ Intérêts versés par les filiales : 15.
Le montant de TVA supporté par la holding s’élève à 1000.
Le calcul du coefficient de taxation est le suivant :
100 (opérations dans le champ d’application de la TVA) / 100 + 15 = 87%.
La TVA pourra être déductible à hauteur de 87% soit 870.
Les intérêts perçus par la holding vont ainsi dégrader le coefficient de taxation. Il en serait seulement autrement si ces intérêts pouvaient être qualifiés d’accessoires (dans ce cas, ils seraient exclus du calcul du dénominateur).
La perception de dividendes n’a en revanche pas d’impact sur le droit à déduction de la TVA et ne sont donc pas à prendre ni au numérateur, ni au dénominateur.
[1] CJCE 20 juin 1991, aff 60/90, Polysar ; CJCE 22 juin 1993 Satam ;BOI-TVA-CHAMP-10-10-30, 15 février 2013
[2] Ainsi, la fourniture à titre gratuit de services aux filiales ne permet pas à la holding de déduire la TVA puisqu’elle n’exerce pas d’activité économique au sens de la directive TVA (CJUE, Ord 12 janvier 2017, aff. 28/16). Il en est de même lorsqu'une holding se contente d'octroyer un prêt uniquement à l'une de ses filiales (CAA Versailles, 6 nov. 2018, n°16VE02824, SAS Rue de la Boétie).
[3] CJUE, 17oct. 2018, aff. 249/17, Ryanair Ltd
[4] Le Conseil d’État a récemment jugé que la location d’immeuble par une holding à ses filiales traduit une immixtion dans leur gestion (CE, 19 décembre 2018,n°396945, SARL Marle Participations).
[5] CAA Nancy, 9 octobre 2003, n° 98-2182, SA Gamlor. A noter néanmoins que la position des juges s'est récemment assouplie (CE, 4 octobre 2023, n°466887, Collectivision)
[6] CAA Versailles 31 décembre 2015 no 15VE00304, 7e ch., Sté Lagardère SCA et CE 13décembre 2017, n°397580, 9ème et 10ème ch., Sté Lagardère SCA.
[7] Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que l’administration fiscale n’est pas en droit de subordonner le droit à déduction de la TVA d’une holding au fait que les frais d’acquisition exposés en vue de l’acquisition de titres soient précédés par la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA entre la holding et ses filiales (CJUE 14 février 1985 aff. 268/83). Seule l’intention de réaliser des opérations taxables à la TVA est prise en compte. Il est néanmoins recommandé de prévoir dans les statuts l'exercice par la société d'une activité de prestations de services rendues au profit de ses filiales.
[8] CJUE, 27 septembre 2001, aff. 16/00, Cibo Participations SA.
[9]CJUE, 16 juillet 2015, aff. n°108/14 et 109/14 ; CE, 20 mai 2016, n°371940, Sté Ginger Groupe Ingénierie Europe.
[10] CE, 5 mars 2018, n°393647, SAS ACG Holding.
[11] Une décision de la Cour Administrative d'Appel de Versailles (CAA Versailles, 23 juin 2015, n°14VE02731, SA Debeo Finance) considère que la cession de titres de participation d’une société à qui ont été rendus des services ne relèverait pas de cette exception et par suite devrait être prise en compte au dénominateur. Ceci serait de nature à dégrader le coefficient de taxation puisque la CJUE a jugé qu’une cession de titres d’une société dans laquelle la holding s’immisce entre dans le champ d’application de la TVA mais est exonérée. Cette décision méritera d’être confirmée mais est à nos yeux critiquable puisqu’elle est contraire à une décision de la CJUE (ABSKF) ayant jugé qu’une cession de titres de participation d’une filiale ne faisait pas partie des activités normales et habituelles de la société mère.
[12]BOI-TVA-DED-20-10-20, 9 octobre 2024, § 210 : on peut noter que le Conseil d’État (CE, 1er octobre 2015, n°369846, Sté Edenred France) a développé une interprétation large de ce critère en considérant que le placement de fonds par une entreprise exerçant une activité d’émission et de vente de tickets restaurant constituait le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité principale alors même que cette activité de placement n’est pas obligatoire et ne conditionne pas la rentabilité de la société
[13]BOI-TVA-DED-20-10-20, 9 octobre 2024, § 210. Le Conseil d'Etat a depuis considéré que le critère du prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable ne peut pas être utilisé pour déterminer si les intérêts perçus par une holding à raison des prêts octroyés à ses filiales constituent des opérations financières accessoires (CE, 5 mars 2018, n°393647, SAS ACG Holding).