
Aux termes de l’article 212 bisdu CGI, les charges financières nettes d’une société sont déductibles à hauteur de 30% du résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements (EBITDA) ou de 3 millions d’euros si ce montant est supérieur. Ce plafond est néanmoins abaissé à 10% de l’EBIDTA ou 1 million d’euros en cas de sous-capitalisation de la société.
La marche à suivre pour l’application de ces règles (à effectuer au niveau d’une société ou au niveau du groupe fiscal) est la suivante :
Les charges et produits financiers pris en compte pour le calcul des charges financières nettes s’entendent des sommes versées et reçues au titre de la rémunération de sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise.
Sont dorénavant visés « les intérêts sur toutes les formes de dette », ainsi que « tous les autres coûts(...) équivalents à des intérêts » comme par exemple les sommes versées ou perçues dans le cadre de prêts participatifs ou d’emprunts obligataires ou encore le montant des loyers en cas d’opération de crédit-bail, de location avec option d’achat ou de location de biens mobiliers conclue entre entreprises liées.
En pratique, il s’agit, d’une part, des intérêts versés à des entreprises liées et, d’autre part, des intérêts versés à des entreprises non liées, c’est-à-dire à des tiers (établissements bancaires, associés minoritaires).
L’administration fiscale admet notamment que les primes de non-conversion versées dans le cadre d’emprunts obligataires ne soient prises en compte qu’au titre de l’année de remboursement des obligations non-converties, quand bien même ces primes seraient amorties comptablement (cette position fait, selon nous, écho à la solution retenue par la CAA de Paris dans une décision du 20 juin 2018, n°17PA03248, Iprad Group).
Une fois déterminé le montant de ces charges financières nettes, il convient alors de s’assurer à ce qu’elles n’excèdent pas 3m€ ou 30% de l’EBITDA fiscal de la société (ou du groupe fiscal).
Sur ce point, on peut déjà noter que la définition d’EBITDA ne correspond pas à l’EBITDA comptable mais à un résultat fiscal retraité avant imputation des déficits. En pratique, il s’agit du résultat fiscal de l’exercice tel que déterminé au tableau n°2058-A de la liasse fiscale de la société avant imputation des déficits de l’entreprise et avant application du dispositif de déduction des charges financières nettes. Ce résultat fait ensuite l’objet de certains retraitements pour déterminerl’EBITDA fiscal.
Il convient ensuite de vérifier si l'entreprise (ou le groupe fiscal) est sous-capitalisé.
Une société est réputée sous-capitalisée lorsque le montant moyen de l’endettement consenti par des entreprises liées excède 1,5 fois le montant de ses fonds propres appréciés en début ou en fin d’exercice. Dans ce cas, les seuils sont réduits à 10% de l’EBITDA ou 1 million d’euros.
On peut noter deux différences majeures par rapport à l’ancien dispositif de sous-capitalisation qui existait jusqu'au 1er janvier 2019 :
▶ Tout d’abord, il est fait référence aux fonds propres et non aux capitaux propres ou au capital social à apprécier au niveau de l’entreprise ou du groupe fiscal. Dans ce dernier cas, la référence aux fonds propres doit également conduire les sociétés et leurs conseils à être vigilent sur la nature des instruments financiers émis par l’entité. En effet, les fonds propres du groupe fiscal doivent dans ce cas être déterminés enfonction des règles de comptes consolidés. Une telle règle peut alors conduire à devoir retraiter certains instruments de capital en dette (comme des actions de préférence) et nécessite en tout état de cause une analyse approfondie dès lors que la lecture directe des comptes sociaux ou consolidés ne permet pas de déterminer ces fonds propres.
▶ Le texte fait exclusivement référence aux prêts consentis par des entreprises liées et non à ceux consentis par des tiers mais garantis par des entreprises liées.
Le dispositif présenté initialement au moment de l'adoption de ce dispositif en 2019 prévoyait que l’ensemble des charges financières seraient impactées en cas de sous-capitalisation. Afin de limiter cet effet de seuil de sorte à ce que l’application des règles de sous-capitalisation ne conduisent pas à une réintégration des charges financières dues à des entreprises non liées, le Parlement a adopté un système complexe conduisant à calculer une double assiette de charges financières nettes avec application pour chacune d'entre elles de règles de déduction propres.
Deux situations doivent alors être distinguées :
▶ Hypothèse n°1 - l’entreprise n’est pas réputée sous-capitalisée
Dans ce cas, la société (ou le groupe fiscal) pourra déduire les charges financières à hauteur de 30% de l’EBITDA fiscal ou 3m€.
▶ Hypothèse n°2 - l’entreprise est réputée sous-capitalisée
Le maximum déductible pour une société réputée sous-capitalisée se composera de l’addition de deux sommes (A+B) :
A = [ (montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par des entreprises non liées + ( 1,5 x fonds propres) ) / montant moyen de la totalité des sommes laissées ou mises à disposition ]x 30% de l'EBITDA (ou 3m€)
B = [ (montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par des entreprises liées - ( 1,5 x fonds propres ) ) / montant moyen de la totalité des sommes laissées ou mises à disposition ] x 10% de l'EBITDA (ou 1m€)
Le maximum déductible sera modulable de quasiment 30% de l’EBITDA (ou 3m€) pour les sociétés faiblement sous-capitalisées et dont le financement externe est nul ou quasi nul, à un montant proche de 10% pour les sociétés fortement sous-capitalisées et financées exclusivement par emprunts groupe.
Il existe également deux clauses de sauvegarde en fonction de la situation de la société (ou du groupe fiscal).
Lorsque le montant des charges financières nettes excède le plafond de 30% de l’EBITDA / 3m€, la société (ou le groupe fiscal) peut néanmoins bénéficier d’une déduction additionnelle de 75% des charges financières excédant ce plafond sous réserve du respect des conditions suivantes :
▶ La société (ou le groupe intégré) doit être membre d’un groupe consolidé par intégration globale[1]conformément aux normes françaises ou IFRS[2].
L’application de cette clause de sauvegarde est de nature à poser certaines difficultés puisqu’elle nécessitera de créer un sous palier de consolidation au niveau d’un groupe fiscal intégré voire même à devoir préparer des comptes consolidés lorsqu’ils ne sont pas établis à titre obligatoire. Dans ce dernier cas, ces comptes devront être validés par le commissaire aux comptes dans le cadre d’une mission d’audit légal(certification) ou d’une mission d’audit contractuel.
La préparation des comptes consolidés risque de soulever certaines difficultés en pratique, notamment pour les sociétés sous LBO dans la mesure où le périmètre du groupe consolidé est établi au niveau de la société consolidante ultime. Lorsqu’une société est contrôlée par un fonds d’investissement, la question se pose ainsi de savoir s’il convient de consolider au niveau de la holding d’acquisition ou également de prendre en compte les autres participations détenues par le fonds.
▶ Le ratio entre ses fonds propres et l’ensemble de ses actifs doit être égal ou supérieur à celui de son groupe consolidé (avec une tolérance de 2%).
Les charges financières non déductibles ne sont pas perdues. Elles pourront être reportées en avant, sans limitation et sans abattement. En outre, la capacité de déduction inemployée pourra être reportée sur les cinq exercices suivants.
Lorsque la société est sous-capitalisée, elle pourrait néanmoins échapper à l’application du dispositif de sous-capitalisation si elle démontre que le ratio d’endettement de son groupe consolidé est supérieur à son propre ratio d’endettement (avec une tolérance de 2%).
Les charges financières non déductibles ne sont pas également perdues mais pourront être reportées sur les exercices suivants à hauteur d’un tiers.
[1] Sont pris en compte l’ensemble des entreprises, françaises ou étrangères, qui présentent entre elles des liens de contrôle exclusif.
[2]Les entreprises autonomes soit celles qui ne sont membres d’aucun groupe de consolidation bénéficient d’une déduction automatique de 75% des charges financières nettes non déduites. Toutefois, le reliquat des charges financières réintégrées au titre du même exercice ne pourra faire l’objet d’aucun report en avant contrairement à la règle applicable pour les sociétés membres d’un groupe consolidé.