
Dans un groupe, la tentation est grande de répartir certaines charges selon des logiques économiques globales. Mais en droit fiscal français, chaque société est autonome, et doit justifier qu’une charge qu’elle supporte sert son propre intérêt. À défaut, la dépense est susceptible d’être réintégrée fiscalement au titre d’un acte anormal de gestion, avec des pénalités parfois lourdes à la clé.
Deux décisions récentes, rendues en juin 2025 par les Cours administratives d’appel de Lyon et de Paris, illustrent de manière très concrète cette exigence :
➡️ CAA Lyon, 12 juin 2025, n° 24LY02077 – Affaire Natural Origins
➡️ CAA Paris, 27 juin 2025, n° 24PA00791 – Affaire Tractel International
La société SASU Natural Origins, filiale française d’un groupe luxembourgeois, a inscrit en charge une prestation de conseil d’un montant de 201 500 €.
Mais cette charge soulève plusieurs difficultés :
La Cour confirme le redressement. Elle juge que :
Conclusion : la dépense a été réintégrée dans le bénéfice imposable. La logique de groupe ne peut jamais suffire à justifier une charge qui n’a pas de justification propre pour la société qui la comptabilise.
La société Tractel International, holding française d’un groupe intégré fiscalement, a inscrit en charge des honoraires juridiques d’un montant d’environ 294 000 €, facturés par deux cabinets d’avocats dans le cadre d’un refinancement structuré au niveau de la maison-mère luxembourgeoise.
L’administration a remis en cause cette déduction, considérant que :
À la différence du cas précédent, la société française a produit des éléments convaincants :
La Cour a donc retenu que :
Conclusion : la déduction est validée, le redressement annulé, et la société récupère son déficit fiscal reportable.
Ces deux décisions rappellent que l’intérêt du groupe n’est pas reconnu comme critère fiscal de déductibilité.
À défaut, elle est requalifiée :
Avant de comptabiliser une charge supportée dans un contexte de groupe, demandez-vous :
👉 Ma société en retire-t-elle un avantage direct ?
👉 Ce bénéfice est-il identifiable, mesurable et justifiable ?
👉 Puis-je le prouver facilement si l’administration me le demande ?
En cas de contrôle, l’absence de justification écrite est souvent ce qui fait basculer l’opération du côté de l’anormalité.
Dans des groupes structurés autour de holdings, notamment en contexte LBO, il est courant que certaines sociétés supportent des charges pour le compte d’autres. Mais la fiscalité ne suit pas toujours la logique économique : le droit fiscal impose que chaque société trouve son intérêt propre dans l’opération.
Les deux arrêts de 2025 livrent un double message :
C’est la traçabilité de l’intérêt individuel, et non l’appartenance au groupe, qui protège la déductibilité.