
La réforme de la fiscalité des management packages, introduite par la loi de finances pour 2025 (article 163 bis H du CGI), a profondément renouvelé les conditions d’imposition des gains réalisés par les dirigeants ou salariés lors de la cession de titres. En contrepartie d’un régime favorable sous plafond, l’administration impose désormais une lecture fonctionnelle du gain : s’il constitue la contrepartie des fonctions exercées, alors une fraction de la plus-value peut être imposée comme un revenu salarial, même si elle prend la forme d’un gain en capital.
Le BOFiP du 23 juillet 2025, mis en consultation publique jusqu’au 22 octobre 2025, était très attendu. Il marque la première prise de position doctrinale de l’administration sur les conditions d’application de ce régime. S’il contient des avancées importantes, il soulève aussi de très nombreuses questions non résolues, voire des inquiétudes sur certaines positions implicites.
Ce billet vise à décrypter cette doctrine en profondeur, à travers huit thèmes structurants.
Le BOFiP opère une distinction nette entre :
Les premiers sont présentés comme des éléments caractérisant la contrepartie, tandis que les seconds sont relégués au rang d’« éléments de contexte ».
Le Conseil d’État (CE, 13 juill. 2021, n°428506) avait pourtant posé une approche équilibrée en faisceau d’indices. En mettant en avant des critères économiques sans véritable hiérarchie, le BOFiP pourrait justifier une requalification quasi automatique en cas de simple dissymétrie économique, sans examen du lien fonctionnel réel.
👉 Risque : une interprétation trop mécanique par les services vérificateurs.
Le BOFiP impose une durée de détention minimale de 2 ans des titres éligibles pour bénéficier du plafond de 3× performance. En soi, cette exigence est compréhensible. Mais le texte :
De nombreux plans de management (ADP ou co-investissement) supposent des restructurations intermédiaires, notamment dans les montages à double holding. Ce formalisme excessif fragilise ces schémas, sans justification économique.
Le gain requalifié en traitements et salaires est immédiatement imposable (barème progressif, PS, CEHR), même s’il est affecté à un apport, un réinvestissement ou une opération d’échange.
Le ministère de l’Économie envisage (de manière officieuse) un mécanisme de report conditionnel inspiré du régime d’apport-cession (article 150-0 B ter). Mais en l’absence de projet de texte ou de fenêtre de régularisation, les opérations initiées en 2025 restent à haut risque.
Le plafond de 3× performance est calculé sur la base du prix d’acquisition des titres éligibles seulement.
Les titres exclus (obligations simples, parts d’OPC, ou même actions ordinaires pari passu avec les investisseurs) ne sont pas pris en compte, même s’ils ont été souscrits en parallèle dans le cadre du même plan.
Le manager peut ainsi :
Le surplus de gain sera fiscalisé en traitements et salaires, sans prise en compte du risque réellement supporté.
L’administration n’autorise l’agrégation des titres que s’ils :
Dans la pratique LBO, les managers détiennent fréquemment des titres à deux niveaux : ManCo et société cible. Le BOFiP interdit leur agrégation, ce qui pénalise des packages pourtant construits selon une logique d’alignement économique.
Le BOFiP confirme que les titres issus d’un management package ne peuvent pas être inscrits dans un PEA (article 163 bis H exclut l’imposition à l’IR via un plan exonéré).
De nombreux managers avaient inscrit leurs ADP ou AO dans un PEA avant le 15 février 2025. Le texte ne précise pas :
Ce silence crée une insécurité juridique majeure pour les titres encore en portefeuille.
Le BOFiP n’aménage aucun traitement différencié pour les fondateurs, même lorsqu’ils ont souscrit aux mêmes conditions que les investisseurs, sans levier ni clause préférentielle.
Le simple fait de signer un pacte avec clauses d’incessibilité, non-concurrence ou drag-along pourrait suffire à les assimiler à des bénéficiaires de management package, dès lors qu’ils exercent une fonction dans le groupe.
Les frais supportés par le manager (honoraires, droit d’entrée, fiscalité étrangère, financement) ne majorent pas le prix d’acquisition, même s’ils sont directement liés à la souscription.
👉 Le gain net imposable est donc surestimé.
Le BOFiP du 23 juillet 2025 apporte des avancées bienvenues. Mais la doctrine reste incomplète, rigide sur les conditions d’accès, et peu opérationnelle dans les structurations complexes typiques du capital-investissement.
Trois révisions sont urgentes avant l’adoption du PLF 2026 :