
Peut-on bénéficier du régime fiscal de faveur applicable aux BSPCE sans avoir été rémunéré dès les débuts de son activité ?
La Cour administrative d’appel de Nancy, dans une décision du 15 mai 2025 (n° 22NC03173), répond par la négative. Elle confirme que seules les années d’activité effectivement rémunérées sont prises en compte pour apprécier l’ancienneté ouvrant droit au taux réduit d’imposition.
Une interprétation qui suscite de nombreuses interrogations dans la communauté des fondateurs et investisseurs, tant elle s’écarte du texte et s’appuie sur une lecture stricte de la doctrine administrative.
Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) permettent, sous conditions, de bénéficier d’une imposition allégée lors de la cession des titres sous-jacents :
À ces montants s’ajoutent les prélèvements sociaux (17,2 %) et, le cas échéant, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) à hauteur de 3 % ou 4 %.
Un dirigeant fondateur exerce ses fonctions depuis 2013, sans se verser de rémunération. Ce n’est qu’en 2016 qu’il commence à percevoir un salaire.
En 2018, il exerce ses BSPCE et cède ses titres, considérant qu’il remplit la condition d’ancienneté de trois ans.
L’administration fiscale refuse le bénéfice du taux réduit, au motif que seules les années effectivement rémunérées doivent être prises en compte.
La Cour administrative d’appel de Nancy confirme cette lecture, excluant ainsi les périodes d’exercice non rémunérées, y compris lorsqu’elles sont justifiées par des mandats sociaux valablement exercés.
Prenons l’exemple d’une plus-value de 500 000 € :
Différentiel de fiscalité : plus de 86 000 €.
Ni l’article 163 bis G du CGI ni les textes d’application ne mentionnent explicitement une condition de rémunération pour apprécier l’ancienneté.
La position de l’administration repose sur une interprétation économique de l’activité effective… mais ne s’impose pas juridiquement en tant que telle.
La décision de la CAA, en validant cette lecture, renforce néanmoins une tendance administrative qui pourrait désormais faire école — sauf revirement du Conseil d’État ou évolution législative.
Le régime des actions gratuites (AGA) est bien différent. Il n’impose pas de rémunération effective pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales, à condition que le bénéficiaire exerce une fonction éligible (président, directeur général, membre du directoire…).
En revanche, une attribution d’AGA à un dirigeant non rémunéré, sans justification économique solide, pourrait être requalifiée en rémunération déguisée.
Conséquences possibles : assujettissement aux cotisations sociales, rappel d’impôt, pénalités.
La décision de la Cour administrative d’appel de Nancy marque un tournant. Elle appelle à une vigilance accrue dans la structuration des management packages, notamment dans les premières années de vie des start-up où la rémunération est souvent différée.
Ce cas souligne à nouveau l’importance d’anticiper les conséquences fiscales des décisions managériales ou capitalistiques. Un défaut d’alignement entre droit fiscal et réalité économique peut se traduire par des écarts d’imposition significatifs.